La citation du mois

"Il faut accepter de ne pas savoir. Demain n'existe pas. Pense à maintenant!"

Frédéric Bihel

13 sept. 2009

"2 pouces et demi" - Thomas Lavachery, 2009

XVIIIe siècle. Emmanuel vit à Bruxelles. C'est un peintre à succès, fortuné, et à l'aimable caractère. Oui mais voilà: Emmanuel est extrêmement laid, et en est parfaitement conscient. Il sort peu de chez lui, car il ne veut pas imposer sa laideur, surtout pas à une femme. Il se sent très seul. Son extrême laideur n'empêche pas qu'il a un grand coeur, et que son souhait le plus cher est d'aimer quelqu'un. Il se met en tête d'avoir des enfants. Mais comme la manière "traditionnelle" est exclue, il décide de s'en créer alchimiquement...

Il sait que les alchimistes, en plus de chercher la Pierre Philosophale et l'Elixir de longue vie, ont réussi à créer la vie. Dans son laboratoire secret, il fait plusieurs tentatives peu concluantes, qui ont tout de même donné naissance à de toutes petites créatures appelées "ombres". Ces petites créatures sont grises, ne sont pas très futées, et n'ont ni nez, ni cheveux, ni nombril. Elles ne parlent pas, mais émettent de temps à autre des cris stridents d'oisillon affamé. Des êtres vivants qui ont tout d'animaux de compagnie, mais pas vraiment d'enfants.

Désespéré, Emmanuel entame un long périple jusqu'en Italie pour aller trouver un alchimiste renommé qui, espère-t-il, pourra l'aider à créer un homuncule, miniature d'être humain. Après de longs mois de processus compliqués, ils y parviennent enfin. La créature alchimique, l'enfant d'Emmanuel, s'appellera Gilles.

Gilles est extrêmement différent de ses "sœurs". Leur seul point commun: leur taille. Pas plus de deux pouces et demi (c'est à dire environ sept centimètres de haut). Contrairement à elles, il a tous les attributs d'un humain. Il est aussi doué de parole, est doté d'une intelligence extraordinaire. Il apprend très vite, aux côtés de son père, mais bientôt, l'élève dépasse le maître, et commence à s'ennuyer. Il se lasse aussi de ses sœurs, avec qui il ne peut pas réellement communiquer, à qui il ne peut transmettre son savoir. Avec la mort d'Emmanuel, il perd toute joie de vivre, et s'isole dans sa chambre souterraine, refusant même les visites de ses soeurs.

Le jour où l'une d'elles se fait dévorer sauvagement par feux frelons, Emmanuel sort de sa torpeur, et va courir au secours de celles qui restent, et découvrir en lui de nouveau sentiments. Il réapprend les sentiments, le bonheur des relations humaines, et sort de la solitude et de la dépression qui le rongeaient...

J'ai été très touchée par cette histoire entre rêve et réalité, fantastique mais pourtant si réelle! C'est réjouissant et ça se lit d'une traite! Ces petites créatures sont extrêmement attachantes; elles ressemblent aux créatures que l'on imagine la nuit, lorsque l'on est enfant, que l'on est persuadé d'entendre trottiner sous le lit une fois tout le monde couché, mais sans le côté "terreur nocturne".
L'ensemble donne une histoire très "visuelle", que l'on imagine sans peine adaptée dans les salles obscures par quelque grand studio d'animation.



2 pouces et demi, de Thomas Lavachery
Bayard Jeunesse, 2009
Collection Millézime

11 sept. 2009

"Les mille ruses du renard volant" - Jean-François Chabas, 2009


Voilà une petite merveille que ce livre... J'en suis encore éberluée! A peine terminé, je voulais le relire, pour profiter encore un peu de la beauté de cette langue. Jean-François Chabas est un poète, même lorsqu'il parle de la guerre en Irak.

Lillian, jeune femme d'une vingtaine d'année, a un caractère bien trempé. Elle a un tempérament de feu, du répondant, et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Elle vit avec sa mère Dorothy à Washington, tandis que son père est retourné vivre au Canada. Elle entretient avec lui des liens très forts.

Pour payer ses études, elle décide un jour de s'engager dans les US Marines, pensant qu'elle ferait un travail de bureaucrate. Mais au bout de six mois, elle est envoyée sur le front en Irak. L'enfer commence, avec la prise de conscience de ce qu'est réellement la guerre, bien loin de la version édulcorée livrée par les médias.

C'est le bordel. On ne sait plus qui tire sur qui, qui fait sauter des bombes chez qui. Il y a des centaines de milliers de civils irakiens qui ont été tués, ici. Je parle de femmes, d'enfants et de vieillards. Pas quelques milliers, et pas toujours par accident. C'est notre armée. L'armée de mon pays. C'est uen boucherie.

Lors d'un affrontement, Lillian reçoit un éclat de roquette dans le cou, qui reste fichée dans sa carotide un peu trop longtemps. Son cerveau, mal irrigué pendant trop longtemps, en subit des dégâts irrémédiables... Lillian renaît complètement désinhibée, avec l'innocence d'une enfant de 5 ans, une mémoire toute neuve, et une hyper-connexion avec la nature. Elle doit réapprendre ce qui faisait son quotidien.

Lorsque Waldo, son père, apprend cela, il vole au chevet de sa fille, et lutte ardemment contre son ex-femme qui veut placer leur fille en institution, car elle n'a pas le temps de s'en occuper correctement, et aussi parce que c'est un bon moyen de la soustraire à son père. Il ne veut pas que sa fille ne devienne pas un légume perfusé. Dorothy prend son acharnement comme prétexte pour le faire extrader et l'éloigner de sa fille.

Ce sont donc ici deux guerres absurdes qui se déroulent: la guerre barbare d'un pays contre un autre, et celle des parents qui se déchirent, pour l'amour de leur fille... C'est le combat d'un père pour retrouver et préserver ce qu'il a de plus cher au monde, la douleur d'une mère qui décide de ne plus lutter, faute de force (malgré les apparences).
Et c'est Lillian, cette femme-enfant, superbe dans sa candeur et sa redécouverte du monde. L'enfance retrouvée à l'âge adulte. Irait-on jusqu'à dire que c'est une chance?

Extraits:

Lillian déversait le contenu de seaux de mélange à base d'avoine dans les mangeoires des Trois Grâces. Son visage était illuminé par cette joie simple que je lui avais connue lorsqu'elle était petite fille, joie que, presque tous, nous perdons à jamais, à mesure que les années nous asservissent.

Le langage des corbeaux est tellement riche qu'en une vie entière d'observation, je n'en apprendrais presque rien. Normalement, la parade amoureuse se fait au sol, chez ces oiseaux. Mais sous le ballet des ailes noires se tenait ma fille Lillian, et c'était bien pour elle, assurément, que virevoltait le grand corbeau. Qu'est-ce qu'il pouvait bien lui vouloir? Ma petite battait des mains, tendait ses bras vers le ciel, tournant sur elle-même. La joie faite femme.


A lire absolument...



Les milles ruses du renard volant, de Jean-François Chabas
Collection Feeling
Casterman, 2009

5 sept. 2009

C'est la rentrée !

Cela fait quelques mois que j'ai déserté, j'en suis désolée... (Où sont passés mes co-auteurs?) C'était le temps pour moi de refaire le plein de lectures, essentiellement de la littérature jeunesse, et ce malgré un emploi du temps bien chargé... Voici quelques titres, et bientôt, pour certains d'entre eux, les articles suivront, promis ;-)


Littérature adulte:

- Des bibliothèques pleines de fantômes, de Jacques Bonnet
- Où on va, Papa?, de Jean-Louis Fournier (Prix Femina 2008)
- Ouest, de François Vallejo

Littérature jeunesse:

- 35 kilos d'espoir, d'Anna Gavalda
- Beau fraisier, de Habib Tengour et illustré par Pascale Bougeault
- Histoire d'une mouette et du chat qui lui apprit à voler, de Luis Sepulveda
- La gifle, de François David
- Le mystère du TGV 7777, de Jacqueline Remy
- Ali Boum Yé, de Benoît Kongbo
- La nuit des otages, de Guy Jimenes
- Naïra et les cavaliers noirs, de Sylvie Fournout
- Lisa a disparu, de Jo Hoestlandt
- Et moi dans tout ça?, de Heidi Dubos
- Les mille ruses du renard volant, de Jean-François Chabas.

Mes prochaines lectures (en vrac):

- La horde du Contrevent, de Alain Damasio
- Livres pillés, lectures surveillées: les bibliothèques françaises sous l'Occupation, de Martine Poulain
- 2 pouces & demi, de Thomas Lavachery
- Aziz, escalier D, appartement 27, de Marie Bataille
- Hallucinogène, de Lou Lubie
- Liberté surveillée, de Oisin McGann
- On s'est juste embrassés, de Isabelle Pandazopoulos
- Le récit d'une mort annoncée, de Anthony McGowan